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Ce
que j'aime avec la mer, c'est être en mer. Au temps où j'étais
un homme actif, coincé parmi les vivants, je grappillais une heure
ou deux pour faire des ronds dans l'eau sans perdre de vue la côte…
Maintenant mes envols m'entraînent loin au large, à un point
où le vent vous dissuade de faire demi-tour, où ne vous
accompagnent plus que les fous de Bassan et les équipières
amoureuses. Je suis heureux, seul avec les fous… Comme tous les
vagabonds drogués de mer, je finis par entendre des murmures, des
parlottes, des brins de chansons. J'évolue entre soleil et lune,
entre deux petits rhums, deux îles, deux continents. C'est mon salut,
seul en mer. |
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Les
liens se tissent vite entre vagabonds des mers. On ne sait pas de quoi
sera fait demain, si le vent et l'humeur du voyage ne nous disperseront
pas, si la fuite des finances ne nous rejettera pas à terre parmi
les besogneux. |
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Bien
vite Anne m’a ouvert la porte de ses rêves ; j’ai voyagé
dans ses poèmes. Lorsque nous étions seuls tous les deux,
elle se montrait différente, d’une douceur, d’une beauté
tout en délicatesse. Elle n’était plus chienne pour
deux sous et je me consumais d’amour. Elle me faisait écouter
Bob Dylan, Leonard Cohen, parfois un nocturne de Chopin - Yann ne supportait
pas ces “ musiques de malheur ”. Elle roulait un joint et
m’invitait dans sa rêverie, ses ballades au bord de l’eau,
ses poèmes sur les remparts de Brouage où une foule de fantômes
se donnaient rendez-vous. Ce joint était encore la seule chose
qui unissait nos lèvres. |
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Je
redoutais qu’une grossesse brise le charme. Qu’après
l’avoir dilatée, cabossée cet enfant l’accapare.
Je n’avais pas peur de la voir vieillir, pourvu que ce soit en douceur.
Que les jours prennent le temps de poser leur patine. J’imaginais
les rides sur son visage, quelques cheveux blancs, le dos plus fragile,
sa silhouette toujours frêle mais un peu voûtée. Et
moi, vieux matelot cloué à son port, lui emboîtant
le pas sur la route des fantômes. J’avais la faiblesse de
nous rêver de vieux jours, inséparables dans cette maison
de Brouage, lorsque les saisons à venir se décompteraient
sur les doigts d’une main qui tremble… |
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